Moulins : nouveau parcours de soins dédié à l’ostéoporose

La rhumatologie se modernise. Au-delà des traitements qui deviennent « plus efficaces », les parcours se « balisent », pour un « meilleur diagnostic », une « meilleure prise en charge » et davantage de « sport-santé ». Exemple à Moulins, à la Clinique Saint-Odilon.

Ostéoporose, spondylarthrite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique… Que de joyeusetés associées à tous ces noms. Fractures pour la première, douleurs tenaces et raideurs pour les autres.

Le Dr Bernard Maillet, qui exerce à la Polyclinique Saint-Odilon, connaît le sujet par cœur. Rhumatologue, il œuvre avec sa consœur, ainsi qu’une équipe pluridisciplinaire, pour « améliorer les diagnostics et les prises en charges ».

La clinique a dédié le 2ᵉ étage du bâtiment A à cette activité. « Il faudrait être cinq ou six médecins ! », s’exclame le spécialiste. « On a des patients de l’Allier, certes, mais aussi de la Nièvre, du Cher, de la Creuse, de Saône-et-Loire. On est submergés par les rhumatismes inflammatoires, d’où l’intérêt d’optimiser les parcours de soins. Mais on n’a pas que ça et on ne peut pas satisfaire le bassin moulinois ».

Quand la communauté professionnelle territoriale de santé Nord-Allier s’est saisie du sujet de l’ostéoporose à bras-le-corps début 2023, la clinique a dit “banco”, « travaillons ensemble sur un meilleur repérage et sur une meilleure prise en charge », souligne le directeur Benjamin Vacher.

L’ostéoporose : « un désastre »

Ce sujet, en particulier, agace et passionne le Dr Maillet, qui trépigne, même : « L’ostéoporose, c’est un désastre, on ne va pas du tout dans le bon sens. L’objectif de l’Organisation mondiale de la Santé en 2008 était de réduire les fractures du col du fémur de 10 %. On est aujourd’hui à + 10 ! ». Première étape, donc : intervenir avant que ça parte en cacahuète (que les os cassent). Et pour cela, l’accent est porté sur les professionnels qui peuvent alerter, notamment les kinés ou un chirurgien qui opère et « se rend compte qu’un os est mou ». Ce sont les « sentinelles » : « Il faut qu’on passe des malades dans les mailles le plus possible », affirme le rhumatologue.

« On est vraiment dans l’épidémiologie préventive. 40 % des femmes de plus de 50 ans auront une fracture ostéoporotique dans leur vie, après la ménopause, ce n’est pas rien ; pour les hommes, c'est 13 %. L’ostéoporose a plusieurs étapes. À 55-60 ans, c’est le poignet qui casse, sans traumatisme important, par exemple lors d’une chute de sa hauteur. Ça doit être une alerte. Puis à 65-70 ans, ce sont les vertèbres. À 80 ans, le col du fémur ». Autre alerte, la perte de taille, un IMC qui diminue… C’est certes une « maladie silencieuse » mais il y a des signes (et une génétique qui doit rendre vigilant).

Passer par l'ostéodensitomètre, une première étape

Une fois le ou les signes détectés, la clinique de Moulins propose tout un parcours, sur une demi-journée, orchestrée par une infirmière en éducation thérapeutique.

« D’abord, on a de l’imagerie, avec l’ostéodensitomètre », poursuit le Dr Maillet. « C’est un examen qui n’est pas irradiant. Des photons sont émis et traversent le corps. On vérifie dans deux types d’os, cortical (col du fémur) et trabéculaire (vertèbres, poignet…). À la sortie, on récupère les photons. S’il y en a beaucoup, la densité osseuse est faible, c’est là qu’il y a un problème. Par ailleurs, nous avons un logiciel qui évalue la fragilité osseuse, avec l’âge, les antécédents, etc. et qui calcule le risque de fracture à dix ans. Si vous avez plus de 26 %, il faut traiter ».

L’imagerie est complétée par un bilan avec la diététicienne, notamment pour réévaluer l’apport calcique et rééquilibrer l’alimentation. « Le calcium, pour les gens qui ne prennent pas de produits laitiers, se trouve dans des eaux minérales. On essaie de trouver cet apport d’1 g par jour dans l’alimentation et la boisson et non dans le calcium chimique médicamenteux, moins bien toléré ». Les patients voient aussi un kiné. Puis le rhumatologue vient après tout ça poser le diagnostic et travailler la suite.


Biothérapies : des progrès et des effets secondaires

Dans ce « parcours rhumato », il n’y a pas que l’ostéoporose. Mais aussi tous les rhumatismes inflammatoires chroniques, qui peuvent être traités par biothérapies : « Si les patients sont éligibles et si le traitement fonctionne, c’est une histoire de quelques jours à quelques semaines. Il s’agit d’anticorps qui vont bloquer les réactions inflammatoires liées à la maladie. Autrement, on a toujours des traitements plus conventionnels qui mettent deux trois, quatre semaines pour les personnes non éligibles aux biothérapies et qui sont mieux tolérés. À chaque fois, il s’agit de traiter les symptômes. On recherche toujours quelles peuvent être les causes, si elle est infectieuse ou non ».
Sur le “podium” de ces affections, « la polyarthrite rhumatoïde, qui touche 1 femme sur 100. Le pronostic et la prise en charge ont été transformés avec les traitements qu’on a maintenant ».

En 2ᵉ, la spondylarthrite et en 3ᵉ, le rhumatisme psoriasique. « Une fois que le diagnostic de ces maladies est posé, nous proposons une médication. Attention, il y a des effets secondaires. On réalise donc un bilan en amont avec des spécialistes pour évaluer les comorbidités, sur les plans cardiovasculaires (bilan lipidique, échographie), pulmonaires (scanner), notamment chez les fumeurs, le tabac ayant notamment un gros impact sur la polyarthrite et même rendre les patients réfractaires aux traitements ».

Face à des traitements puissants, mieux vaut « minimiser les pépins » : « On recherche aussi la tuberculose, et on met mise à jour des vaccins, comme le pneumocoque, car ces patients sont souvent immunodéprimés. On a notamment enfin un vaccin contre le zona qui est très efficace pour les + de 65 ans immunodéprimés ». Là aussi, cette première salve de rendez-vous est bien serrée sur une demi-journée, avec, toujours, un rendez-vous avec la diététicienne. Dix jours plus tard, les résultats des examens tombent, c’est l’heure de la décision. Sur cette filière en particulier, 500 patients sont suivis à la clinique en fil active ; avec quatre créneaux pour des nouveaux chaque semaine.

Sport en douceur et adapté : nécessaire

L’activité physique en mode ”sport-santé”, vient en complément ralentir le développement de la maladie. Il faut mettre rapidement en place des cours, « quand les patients ne sont plus en poussée inflammatoire », précise le Dr Maillet. « L’idée est de faire du renforcement musculaire en douceur et adapté, car chaque cas est différent », souligne le moniteur d’activités physiques adaptées (Mapa) Frédéric Prieto. « Le but, c’est de les remotiver, qu’ils bougent, que ce soit progressif, fait avec plaisir et régularité. C’est souvent la marche, car c’est facile à mettre en place, qu’elle soit douce, mais aussi avec des moments plus dynamiques pour activer le métabolisme. Ça peut être du cardiotraining, sur vélo d’appartement, etc. On établit un protocole sur trois mois, avec un bilan tous les mois ».

© Mathilde Duchatelle, « Comment la rhumatologie peut-elle devenir plus efficace malgré la désertification médicale ? Exemple à Moulins », La Montagne, 29 Novembre 2024

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