Arsenic, cadmium, cuivre, mercure, plomb… Les métaux lourds peuvent être toxiques, allergisants et cancérigènes. Nous les retrouvons partout : peintures, piles, ampoules ou encore produits de la mer. La sensibilisation devient alors un véritable enjeu de santé publique. En 2019, 78%[1] des médecins confiaient même aborder davantage la question de santé environnementale avec leurs patients. Mais aucune étude n’avait jamais évalué l’efficacité des conseils promulgués. Le Dr Lisik, gynécologue-obstétricien à la Polyclinique Urbain V à Avignon, a alors lancé cette étude en 2021 auprès de 184 patientes volontaires, en début de grossesse ou en désir de conception, testées et suivies afin d’évaluer l’efficacité des conseils sur la réduction de leur niveau d’exposition aux polluants. Les résultats viennent d’être révélés.
S’exposer aux métaux lourds, c’est porter un risque à sa santé. En effet, de nombreuses études épidémiologiques ont déjà analysé et prouvé l’existence de liens de causalité entre l’intoxication chronique à ces métaux lourds et certaines maladies chroniques (cancers, pathologies cardio-vasculaires, respiratoires, thyroïdiennes, pathologies neurodégénératives). « Pendant la grossesse, l'exposition à ces polluants pourrait même avoir de graves répercussions sur le fœtus comme des malformations, un mauvais développement du système reproducteur et intellectuel ou encore une augmentation du risque de cancer », alerte le Dr Lisik.
Un test de dépistage, basé sur un dosage capillaire des polluants, permet aux médecins d’identifier le niveau d’exposition aux polluants et d’apporter des conseils comportementaux personnalisés aux patients. Cependant, l’impact de ces conseils n’avait encore jamais été évaluée. C’est alors tout l’objet du projet d’étude qu’a porté le Dr François Lisik, en collaboration avec le Dr Piketty-Desfeux, également gynécologue-obstétricien à la Polyclinique Urbain V et le Dr Glowaczower, gynécologue-obstétricien à la Clinique Bouchard à Marseille. « Avec cette étude, nous souhaitons également faire évoluer les mentalités sur la santé environnementale auprès du grand public et des soignants », ajoute le Dr Lisik.
Contaminées à un niveau élevé de risque
L’étude s’est déroulée sur un an et a comporté deux principales phases : la phase d’inclusion et la phase de participation des patientes sous le protocole de conseil.
Lors de la phase d’inclusion, à la suite d’une consultation de début de grossesse, la patiente a été informée de l’objet de l’étude et le test de dépistage lui a été proposé. Après accord et vérification d’éligibilité, elle a été testée. Le test permet de détecter les métaux auxquels la patiente est exposée et de déterminer le niveau de risque, grâce au prélèvement d’une mèche de cheveux. Les résultats ont été livrés au cours d’une seconde visite (1 mois après le prélèvement). « Parmi les 184 patientes testées, 109 avaient un niveau de contamination à haut risque, aussi bien en milieu urbain que rural », met en garde le Dr Lisik. Nous avons retrouvé notamment du cérium, du nickel, du titane, du stromtium, de l’aluminium… »
Le médecin a alors délivré une fiche de conseils à suivre à chaque patiente, selon les polluants détectés. « Il est par exemple important d’aérer son logement, l’air intérieur étant 5 fois plus pollué que l’air extérieur, informe le Dr Lisik. Mais il faut aussi éviter de chauffer des aliments dans des contenants en plastique ou avec une cloche en plastique, au micro-ondes : des substances chimiques peuvent s’échapper du plastique et s’infiltrer dans les aliments ». Prohiber les déodorants composés de sels d’aluminium, changer ses implants dentaires au mercure (plombage gris), éviter les produits dérivés du pétrole, qui sont allergisants et toxiques, ou encore ne pas trop consommer de gros poissons, tels que le thon, contaminés à divers degrés par le mercure : les conseils sont nombreux !
Les patientes ont alors suivi les conseils promulgués par le professionnel de santé. Ainsi a débuté la seconde phase. Une troisième visite a été organisée, 2 mois après le test, pour s’assurer du bon respect des conseils préconisés. La dernière visite est intervenue 4 mois après le prélèvement. Les patientes ont été testées à nouveau et leur niveau d’exposition a été vérifié une seconde fois puis comparé au premier prélèvement. « Sur les 21 patientes qui ont suivi les conseils et sont allées jusqu’au bout du protocole, 14 ont vu le risque diminuer. » Face aux métaux lourds, les conseils communiqués par les médecins ont donc un réel impact, en diminuant l’exposition des fœtus et en permettant ainsi de ne pas hypothéquer leur capital santé.
Financée par ELSAN et accompagnée par la direction de la Recherche Clinique du Groupe, l’étude a obtenu l’avis favorable d’un Comité de Protection des Personnes. L’article scientifique de cette étude, est désormais disponible et publié dans une revue référencée. « Nous espérons pouvoir communiquer les résultats de notre recherche aux prochains congrès nationaux et internationaux sur la gynécologie-obstétrique », se réjouit le médecin.
[1] Enquête publiée par la revue « Le Généraliste » le 31/12/2019
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