« Madame la Première ministre… » : Tribune des médecins des hôpitaux privés

Madame la Première ministre,

Nous vous écrivons aujourd’hui en tant que médecins exerçant au sein d’hôpitaux privés. Médecins-anesthésistes, oncologues, chirurgiens de toutes spécialités, urgentistes, médecins en soins palliatifs, obstétriciens… nous avons fait le choix d’exercer dans un établissement privé. Ce choix, nous l’assumons totalement et nous en sommes fiers.

Nous en sommes fiers, parce que tout en maintenant un exercice libéral de la médecine, nous construisons, avec les établissements dans lesquels nous exerçons, une offre de soins de qualité, efficiente, sur tous les territoires. 

Nous en sommes fiers, parce que ces 1 000 hôpitaux privés, avec leurs 42 000 médecins, leurs 170 000 salariés, dont plus de 120 000 personnels soignants, leurs blocs opératoires ou encore leurs 130 services d’urgence, sont un maillon indispensable de l’offre de soins. 

Nous en sommes fiers, parce que les hôpitaux privés, en couvrant plus de 80% de la population, constituent un acteur à part entière du service public de santé, aux côtés des hôpitaux publics. Et pourtant, notre rôle dans l’offre de santé en France, dans tous les territoires et pour tous les patients, est aujourd’hui sous-estimé par les pouvoirs publics et trop souvent caricaturé. 

Nous voulons vous rappeler que nous réalisons plus de la moitié de la chirurgie en France, 40% de la chirurgie du cancer, plus du tiers des chimiothérapies, plus de 20% des soins palliatifs. Nous sommes présents à toutes les étapes du parcours de soins, de la prévention à l’hospitalisation à domicile, et sommes particulièrement engagés dans la prise en charge des pathologies chroniques : 40% des patients qui en souffrent sont désormais pris en charge dans les établissements privés. 

Nous voulons vous rappeler que nous sommes des acteurs investis au quotidien dans la permanence des soins et la prise en charge des urgences. Que nous soyons urgentistes, réanimateurs ou chirurgiens, nous sommes de garde la nuit, le dimanche, les jours fériés, et assurons la prise en charge d’urgence de 3 millions de patients chaque année. 

Nous voulons vous rappeler que nous accueillons tous les patients. La moitié des médecins du secteur hospitalier privé ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires. 20% des patients relevant de la complémentaire santé solidaire, de l’AME ou de la PUMA sont pris en charge dans les établissements privés. 

Nous voulons vous rappeler que la relation avec nos patients et la qualité des soins que nous rendons sont une priorité pour nous. Comme l’a encore récemment rappelé la Cour des Comptes, la qualité des soins est supérieure à la moyenne dans notre secteur. 

Nous voulons vous rappeler toutes ces évidences de manière forte parce qu’aujourd’hui, alors que les patients ont plus que jamais besoin de tous ceux qui concourent au service public de la santé, nous avons le sentiment que la tentation des pouvoirs publics de multiplier les différences de traitement entre le public et le privé n’a jamais été aussi grande, et avec l’idée qu’au fond, nous autres, les médecins exerçant dans les hôpitaux privés, nous ne concourons pas de la même manière au service public de santé. 

Nous ne comprenons pas pourquoi il est si difficile pour les hôpitaux privés de faire comprendre aux décideurs publics qu’avec 1/3 d’entre eux en déficit en raison du sous-financement de nos activités, il sera impossible de les maintenir toutes, dans l’ensemble des territoires dans lesquels nous intervenons. Nous ne comprenons pas pourquoi les personnels soignants des établissements privés avec lesquels nous travaillons tous les jours sont laissés à l’écart des mesures de revalorisation salariale qui s’appliquent à leurs collègues de l’hôpital public alors qu’ils sont déjà moins rémunérés. 

Nous ne comprenons pas pourquoi, quand nous faisons de la permanence des soins, il est si difficile d’obtenir la juste rémunération pour les heures de nuit, du dimanche et des jours fériés, pour nous et les personnels soignants des hôpitaux privés qui œuvrent à nos côtés tous les jours. 

Nous sommes des médecins, nous ne sommes pas des gestionnaires. Mais nous savons que ce qui est en jeu aujourd’hui, derrière des décisions d’apparence technique et budgétaire, c’est notre capacité à continuer d’assurer notre mission d’acteurs essentiels de la santé dans l’ensemble des régions de France. 

Cette lettre ouverte est signée par 127 Présidents de commission médicale d’établissement et 1018 médecins, dont plus de 660 médecins exerçant au sein d'ELSAN, dans 72 départements.





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