« Rendre le patient acteur de sa maladie », « Management par la qualité », « Coordination optimisée » : autant d’expressions qui semblent parfois plus relever de la déclaration d’intention que de la description d’un projet concret. Pas au Centre hospitalier privé de Brest, où ces dernières années ont vu se développer plusieurs parcours en hôpital de jour destinés à faire de la responsabilisation du patient, du management par la qualité et de la coordination des principes directeurs et non plus seulement des mantras virtuels. Nous évoquons cette évolution avec le Docteur Pascal Remoué, chirurgien viscéral et digestif, qui nous présente notamment le Service d’accompagnement médical (SAM) qui existe de nombreux parcours de soins : le cancer du poumon, les cancers de la femme, l’obésité, le suivi des stomies et la chirurgie.
JIM.fr - Pouvez-vous nous parler de l’historique de la mise en place du Service d’accompagnement médical (SAM) dans votre établissement ?
Dr Pascal Remoué - C’est un dispositif qui est né du changement de financement des Groupes homogènes de séjour (GHS) et qui se base sur les instructions de la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS) du 10 septembre 2020 qui réglementent les cotations des séjours ambulatoires.
Au-delà de ces aspects administratifs, depuis 2009, il existe une consultation d’annonce qui a d’abord concerné la cancérologie puis un éventail élargi de pathologies, qui n’a cessé de s’enrichir grâce à l’intervention d’assistantes sociales, de psychologues, de diététiciennes… Pourtant, il n’y avait aucune valorisation de ce travail.
Parallèlement, depuis plusieurs années, la réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) a conduit à essayer d’anticiper les séjours avec l’idée de préparer en amont de l’hospitalisation la rééducation nécessaire après la chirurgie, afin que le patient soit davantage acteur de sa prise en charge, qu’il soit plus informé et rassuré. Enfin, nous bénéficions d’une plateforme de soins de support qui n’était pas vraiment structurée, qui n’était pas financée. Sous l’impulsion de ce changement de financement, nous avons pu mettre en place une véritable structuration en nous reposant sur nos expériences et atouts
JIM.fr - En quoi consiste concrètement le Service d’accompagnement médical (SAM) mis en place dans votre établissement ?
Dr Pascal Remoué – Avant toute hospitalisation pour une intervention chirurgicale ou la mise en place d’un traitement, le patient rencontre une infirmière afin d’étudier avec lui, selon ses attentes et sa pathologie, les soins de support dont il a besoin, en s’appuyant sur un formulaire d’inclusion élaboré en collaboration avec tous les soignants. L’objectif est à la fois une meilleure réponse aux besoins de chaque patient et une coordination des soins plus fluide.
Une journée bien remplie et bien coordonnée
Après cette première phase, il se rend dans une aile spécifique de l’établissement (qui a pu être dédiée au SAM grâce au raccourcissement des temps de séjour), qui comprend des salles de consultations et des espaces où les patients peuvent échanger entre eux. Sur une durée totale de trois à cinq heures, le patient bénéficie de trois consultations, un bilan . Des consultations de diététique, psychologie, kinésithérapie, d’activité physique et de réadaptation sont ainsi proposées.
Il est également possible de rencontrer une assistante sociale, une infirmière d’information ou une infirmière d’éducation thérapeutique. Le patient peut également être reçu par le chirurgien, l’anesthésiste, le cardiologue, le tabacologue. En complément, des consultations spécialisées peuvent être parfois conduites par des intervenants de ville qui viennent sur des créneaux précis pour apporter une compétence supplémentaire (tabacologie notamment). Sont aussi proposées des séances de bien être avec la sophrologie. La douleur élément majeur de nos prises en charge doit encore mieux se structurer, idéalement, par une offre complémentaire d’une consultation d’algologie, nous sommes encore en recherche d’un spécialiste. Le patient va donc pouvoir choisir au sein d’un panel d’experts un accompagnement personnalisé, mais bien sûr, selon le type de pathologie certaines prises en charge sont systématiques. Par exemple en cas de cystectomie, la présentation des soins de stomie urologique est inévitable. Les difficultés organisationnelles sont très importantes et avec l’ampleur prise par les parcours, le recours à un logiciel de planification est évidemment indispensable.
Une prise en charge globale du patient plus innovante que l’hospitalisation de jour conventionnelle
JIM.fr : Quelles sont les pathologies concernées ?
Dr Pascal Remoué - Quand le dispositif a débuté en janvier 2020, nous proposions des parcours dédiés à l’oncologie, à la pré-chirurgie (colorectale et thoracique notamment), à la stomie, à la RAAC post bariatrique. Ils concernent maintenant également les plaies et la cicatrisation, l’éducation thérapeutique, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle ou la PMA et prochainement la maternité.
JIM.fr - Combien de patients ont bénéficié de ces parcours ?
Dr Pascal Remoué - Nous avions commencé en janvier 2020 mais nous avons été inévitablement interrompuspar la Covid. Nous comptions initialement 32 patients par mois pour atteindre plus d’une centaine en juillet 2021 et la progression a encore été importante au cours du deuxième semestre 2021. L’augmentation devrait être constante car la satisfaction est globale. Tout le monde en ressort gagnant.
JIM.fr - Quelles différences entre le SAM et une Hospitalisation de jour conventionnelle ?
Dr Pascal Remoué - Il s’agit vraiment d’une prise en charge globale du patient, qui est réalisée en amont de sa pathologie. Le parcours SAM n’a pas vocation à traiter la maladie mais à rendre le patient acteur, à lui donner les clés pour qu’il comprenne sa situation et lui indiquer comment il peut agir. C’est une logique assez remarquable en termes de responsabilisation des patients. Nous sommes loin de l’hospitalisation de jour classique, puisque nous ne nous focalisons pas uniquement sur un acte, une prise en charge mais sur une approche globale du patient.
JIM.fr - Quel est le prix de ce service ? Comment est-il pris en charge ?
Dr Pascal Remoué - Aucune contribution n’est demandée au patient. La rémunération du GHS varie entre 200 et 400 euros suivant le type d’actes.
Une réponse quasiment totale aux attentes des patients
JIM.fr - Quel est le retour des patients et des praticiens sur ce SAM ?
Dr Pascal Remoué - Le retour des patients et des praticiens est excellent. Auprès des patients, nous avons réalisé une évaluation grâce à un questionnaire classique d’évaluation de la qualité de vie liée à la santé. Tous les patients sont sollicités. Nous avons obtenu un taux de retour de 50 %. L’enquête met en évidence que les patients souhaitent principalement être rassurés et informés. Or, à la fin de la journée 96 % des répondeurs disent que leurs attentes ont été satisfaites. Seuls 3 % ont encore quelques questions. La continuité que crée ce parcours contribue à une importante diminution du stress. On a cependant identifié un besoin en ce qui concerne l’algologie, ce qui constitue une priorité pour nous cette année.
Amélioration de la satisfaction vis-à-vis de leur mission pour les soignants
C’est vraiment une expérience positive pour tous. La mise en place de la réhabilitation améliorée après chirurgie avait été un peu difficile, parce que les infirmières avaient l’impression que leur mission était réduite, elles redoutaient d’être cantonnées aux soins techniques. Effectivement pendant l’hospitalisation, la partie technique est majoritaire mais toute la partie psychologique, la préparation n’est plus faite au décours de l’hospitalisation mais en amont via le SAM. Or, le fait que le pool d’infirmières qui participe au SAM soit le même que celles qui interviennent dans les services leur permet d’apprécier la continuité de leur travail. Cela a remotivé le personnel, c’est un vrai plus en terme de qualité de vie au travail, c’est un point très important.
JIM.fr - Avez-vous mis en place une évaluation du SAM en ce qui concerne l’amélioration de l’observance et l’efficacité de la prise en charge ?
Dr Pascal Remoué - Pas spécifiquement. Cela nécessiterait une étude en double aveugle, alors que nous sommes convaincus de l’utilité de notre démarche. Cependant, nous observons l’évolution de nos durées moyennes de séjour. Et l’on constate pour certaines chirurgies que les différents parcours mis en places (RAAC et SAM) ont permis une diminution significative des temps de séjour. Une évaluation rétrospective est donc possible, même si elle n’a pas une force statistique optimale.
Ce qui fait la différence c’est que les soignants parlent d’une même voix. Je le constate par exemple en ce qui concerne les chirurgies du cancer de l’ovaire. Les durées moyennes de séjour variaient auparavant entre 7 et 15 jours d’hospitalisation. Aujourd’hui la majorité des patientes quittent l’établissement au bout de 7 jours : nous constatons en effet qu’elles sont parfaitement conscientes de la nécessité de se lever, de marcher… Cette prise de conscience est le résultat d’une forte coordination dans le message transmis aux patientes. Cette continuité est très importante et améliore l’observance.
JIM.fr - Pouvez-vous nous parler de l’expérimentation d’un paiement à l’épisode de soins mis en place dans votre établissement ? Qu’en attendez-vous tant du point de vue de l’amélioration de la prise en charge que de l’optimisation des organisations ?
Dr Pascal Remoué - Ce n’est pas encore mis en place : il s’agit d’une expérimentation. Une première phase a d’abord concerné 22 centres, puis quelques centres supplémentaires ont été inclus. En ce qui nous concerne, nous sommes un centre test pour la chirurgie colique. L’idée est de changer le mode de tarification pour avoir une vision plus globale de toute la prise en charge sur une pathologie et sur un épisode de soins. L’inclusion de critères de qualité fait partie intégrante de ce nouveau mode de tarification. Quand nous avons candidaté, nous avons constaté que notre expérience nous permettait déjà de remplir tous les indicateurs qualité demandés.
Ainsi, depuis un an, nous expérimentons cette nouvelle rémunération. Cela participe vraiment du management par la qualité.
© http://www.jim.fr Publié le 14/04/2022 : Interview réalisée par Aurélie Haroche en mars 2022.
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