Prothèse de hanche et de genou : un parcours de soin innovant à la Polyclinique Jean Villar
Le Docteur Jérôme MAGENDIE est chirurgien orthopédiste, spécialiste de la hanche et du genou. Il exerce à la Polyclinique Jean Villar à Bordeaux, au sein de laquelle il a participé à la mise en place d’un parcours de soin innovant. Il nous en parle.
Des changements importants ont eu lieu dans la prise en charge des patients en chirurgie orthopédique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet, de profondes transformations ont eu lieu ces dernières années, la médecine suit aussi les évolutions de la société. Nous avions précédé le mouvement puisque, avec mes collègues le Dr Benoit BOUTAUD puis le Dr Nicolas VERDIER et avec la direction de la Clinique, nous avons commencé à travailler il y a déjà 8 à 10 ans, d’abord sur de nouvelles techniques chirurgicales, puis sur la prise en charge des patients dans l’ensemble du parcours de soins.
Nous n’avons pas tout modifié en une fois, mais plutôt abordé chaque étape successivement. Nous nous sommes d’abord intéressés aux nouvelles techniques chirurgicales pour les prothèses de la hanche et du genou, puis aux nouvelles techniques d’anesthésie, qui permettaient aux patients de récupérer plus vite. Nous avons ensuite abordé l’information et la formation des patients, leur sélection, puis les parcours et soins post-opératoires.
Nous avons donc travaillé progressivement sur toutes les étapes de la prise en charge du patient. Cela fut un travail important, et nous récoltons maintenant les fruits, puisque sur le PMSI*(Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information) nous sommes n° 1 en France pour la chirurgie ambulatoire de la hanche et du genou.
Quels sont les résultats de ce travail ?
Aujourd’hui nous sommes les premiers en France sur la durée de séjour des prothèses de hanche et des prothèses de genou. Nous sommes à 0,1 jour de durée moyenne de séjour pour les hanches et à 0,06 jour pour les genoux. Nous faisons 92 % d’ambulatoire pour la prothèse de hanche et 95 % pour celle du genou, tout en ayant moins ou le même taux de complications que ce qui est rapporté dans la littérature.
Nous avons d’ailleurs publié récemment un article dans une revue internationale sur 1100 patients entre 2018 et2020**.
Nous démontrons que l’évolution des prises en charge et le raccourcissement des temps de prise en charge ne nuisent pas à la sécurité et à la qualité des soins. Un exemple : depuis 5 ans, nous n’avons constaté aucune phlébite, alors que le taux moyen dans les statistiques nationales est de 0,5 % pour les prothèses de hanche et 1,2% pour celles de genou.
En pratique, comment se déroule le parcours de soins ?
A chaque étape tout est fait pour que le patient soit le mieux possible. Nous essayons toujours de limiter le stress physique et le stress psychologique. Aucune étape n’est négligée.
Nous commençons à informer les patients dès la décision opératoire. Nous les informons oralement et nous utilisons aussi des supports sur papier et informatiques. Le support papier est une sorte de « carnet de route » qui explique toutes les étapes. Les patients peuvent ainsi savoir à tout moment où ils en sont de la procédure et quelles étapes sont à venir.
En complément, les patients peuvent s’inscrire dans un programme informatique qui va les interroger sur leurs conditions de vie, leur handicap, et leur fournira des informations régulières adaptées à leur parcours.
En période pré-opératoire, nous avons mis en place il y a 5 ans l’école des patients. Il s’agit d’une matinée de présence, au sein du service de la clinique. Un groupe de 6 à 7 patients est reçu par un coordonnateur et rencontre les professionnels qui interviendront au long du parcours. Tout cela se passe au sein du service, le patient se familiarise alors avec les lieux et l’équipe. Pendant cette matinée ont lieu aussi les consultations nécessaires à la préparation de l’intervention (bilans cardiologique, d’anesthésie, etc.)
Cette demi-journée est très importante. Elle permet de régler les problèmes médicaux, logistiques (transports), administratifs, de dissiper les zones d’ombre et favorise la rencontre avec d’autres patients. Avant la covid nous recevions aussi les accompagnants, car nous nous étions aperçus que l’inquiétude des accompagnants était souvent un frein à la sortie.
Notons que la direction de la clinique s’est beaucoup investie dans la création de cette étape : en nous aménageant un local, en fédérant différentes spécialités, et en dédiant une infirmière pour le suivi et l’animation du groupe.
Quand les patients arrivent à la journée opératoire, tous ces problèmes logistiques sont donc réglés.
En post-opératoire, le séjour « ambulatoire long » ne se gère pas du tout comme « l’ambulatoire court » (celui des endoscopies par exemple) et nous avons donc des protocoles spécifiques et un personnel spécialement formé. Dès la salle de réveil nous mobilisons les patients et utilisons des attelles de réfrigération. Nous encourageons les patients et ne les forçons jamais. Les mouvements sont bien entendu limités, mais cela est très efficace sur l’intensité des douleurs et donc favorable pour la suite.
Après la salle de réveil, les patients arrivent dans le service, et sont habillés en tenue « de ville », ce qui les encourage aussi à bouger. Ils sont alimentés dès que possible (2 h après le réveil anesthésique, en l’absence de nausées), cela favorise la position assise, permet à la tension de remonter, puis ils peuvent se mettre debout avec1 ou2 cannes anglaises ou même sans, si cela leur convient. Cela est possible dès 3-4 heures après le réveil post-anesthésique.
Une prise de sang a été réalisée en salle de réveil, mais nous observons peu de saignements pendant l’opération. Sur 2 ans, nous sommes en moyenne à 200 cc de pertes sanguines pour les hanches et les genoux. Une radio de contrôle est réalisée, le patient voit le kinésithérapeute, le chirurgien avec les résultats de radio, l’anesthésiste, et, en fin de journée, l’ensemble de l’équipe donne son avis pour la sortie sur des critères et des scores très stricts. Ce sont finalement le patient et l’accompagnant qui décident de la sortie. Environ 95 % des patients sortent le jour même pour les prothèses de genou et 92 %pour les prothèses de hanche.
Je précise que si le patient va en maison de convalescence, nous avons aussi organisé le transfert, tout est planifié à l’avance.
Une fois à domicile, les patients sont chargés de leur glaçage avec une attelle spéciale, et font leur auto-rééducation avec un contrôle du kiné 2 à 3 fois par semaine.
Dans les 24 heures suivant la sortie, le patient est systématiquement appelé par la clinique. Il dispose d’un numéro de téléphone accessible 24 h sur 24 et le chirurgien d’astreinte est joignable. Nous recevons peu d’appels. Le temps que nous gagnons en ne passant pas à la clinique pour des patients qui n’en ont le plus souvent pas besoin, nous pouvons le consacrer à rappeler ceux qui ont des problèmes. Cela est beaucoup plus efficace et plus gratifiant.
Que pensent les patients de ces modalités de prise en charge ?
Les patients sont très satisfaits, puisque nous obtenons des scores de 95 % de satisfaction et de 99 % de recommandation pour l’ensemble de notre prise en charge pour ce parcours. Cela comporte beaucoup d’avantages pour le patient :il récupère bien, plus vite, avec moins de complications. Nous n’écartons pas les personnes âgées et les personnes fragiles de ce parcours. Au contraire, ce sont elles qui ont le plus à y gagner.
Nous nous sommes aperçus qu’en gardant moins longtemps les patients à la clinique, nous les suivions mieux et surtout que nous pouvions être présents au bon moment pour les aider. Quand un patient est hospitalisé, il arrive souvent que nous passions le voir alors qu’il n’est pas disponible (toilettes, repas, sieste, etc.). Alors qu’un séjour court nous oblige à être présents au moment précis où il en a besoin et pour l’aider à progresser.
Après le séjour, l’appel téléphonique dans les 24 heures et la permanence téléphonique que nous assurons nous permettent de rester en contact avec le patient, beaucoup plus que lors des parcours dits classiques, quand nous passions dans sa chambre alors qu’il était absent ou occupé.
Quels sont les avantages pour l’équipe chirurgicale ?
Nous sommes mieux organisés et nous avons progressé sur toutes les étapes de la prise en charge.
Cette organisation nécessite un fonctionnement particulier du service, qui comporte de nombreux avantages : pas de patients la nuit ni le week-end, rythmes différents mais meilleurs. Pour nous, chirurgiens, les rythmes sont améliorés ainsi que la qualité de travail. Nous sommes plus efficaces, plus efficients et nous avons du temps pour faire des études et des publications. Nous recevons des équipes étrangères qui viennent voir comment nous fonctionnons.
Dans cette amélioration du temps d’hospitalisation, quelle est la part de la technique chirurgicale ?
J’ai changé de technique chirurgicale, notamment pour les prothèses de hanche, en changeant de voie d’abord : j’utilise la voie antérieure, technique mini-invasive et sans table de traction. Pour les prothèses de genoux, c’est surtout la technique anesthésique qui a évolué, avec l’anesthésie locale intra-opératoire, autour et dans le site opératoire.
Nous utilisons beaucoup de nouvelles technologies : préparation et navigation robotisées, impression 3D, réalité virtuelle, suivi internet, vidéo consultations. Elles vont dans le bon sens et nous font progresser mais ce n'est pas l'essentiel. C’est l’ensemble du parcours qui fait le résultat.
Avez-vous évalué l’impact financier de cette organisation ?
Des études de l'assurance maladie et d'économistes de la santé estiment que pour chaque intervention, l’économie réalisée est de 1500 à 2000 €, pour l’assurance maladie et les mutuelles.
Cet argent économisé devra être réparti, et nous participons, notamment avec l’article 51***, à la mise en place de la rémunération par « épisode de soin ». C’est une nouvelle façon d’envisager la rémunération des équipes soignantes, en redistribuant une partie des économies réalisées quand les patients récupèrent plus vite. La mise en place d’un tel processus est très complexe, mais les travaux avancent doucement. Un forfait a d’ailleurs déjà été créé pour le temps de formation et d’information du patient.
Et le patient pourrait aussi en profiter en payant moins cher ses complémentaires par exemple.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose en guise de conclusion ?
Trois points essentiels :
- Evolution et révolution à la fois, tous bénéficient de ces progrès : patients, équipes soignantes et système de santé.
- L’ambulatoire n’a jamais été un objectif. Il s’est imposé naturellement. C’est surtout la conséquence de la maitrise de chaque étape du parcours, pour des patients adaptés, bien préparés et bien suivis.
- Les patients doivent être en confiance, motivés et acteur de leur récupération. Le lien humain est tissé dès la préparation. Car, au-delà des techniques et des scores, les plus important restent les facteurs humains.
Propos recueillis par Dr Roseline Péluchon -
*PMSI : Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information - permet de décrire de façon synthétique et standardisée l’activité médicale des établissements de santé.
**Verdier N, Boutaud B, Ragot P, Leroy P, Saffarini M,Nover L, Magendie J. Same-day discharge to home is feasible and safe in up to 75% of unselected total hip and knee arthroplasty. Int Orthop. 2022 May;46(5):1019-1027. doi:10.1007/s00264-022-05348-7.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35234998/
***Article 51 : La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a introduit, en son article 51, un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits.
L’hôpital de jour (HDJ) chez ELSAN :
50 000 HDJ réalisés en 2021 dont environ 20 000 en orthopédie
50 établissements ELSAN ont mis en place le concept d’école des patients pour réaliser de l’éducation thérapeutique
ELSAN, leader de l’hospitalisation privée en France, est présent sur l’ensemble des métiers de l’hospitalisation et dans toutes les régions de l’Hexagone pour offrir à chacun et partout des soins de qualité, innovants et humains. ELSAN compte 28 000 collaborateurs et 7 500médecins libéraux qui exercent au sein des 137établissements du groupe. Ils prennent en charge plus de 2,2 millions de patients par an. 2 Français sur 3résident à moins de 50 km d’un établissement ELSAN. Agir et innover pour la santé de tous au cœur des territoires est notre raison d’être. www.elsan.care.
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