Angeline Pena Prado est directrice des soins infirmiers au Centre d’hémodialyse privé de Monaco et bénévole à la Croix Rouge. Soutenue par ELSAN, elle s’est envolée pour l’Ukraine le 12 juin dernier avec l’ONG Doc4Ukraine. Sa mission ? Former les infirmiers à la prise en charge des patients en situation de médecine de catastrophe. Entretien avec une femme courageuse, bienveillante et maman de trois enfants.
ELSAN : Qui vous a proposé de partir en Ukraine ?
Angeline Pena Prado : J’ai été contactée sur LinkedIn par Caroline Didier, Présidente de l’ONG Doc4Ukraine. J’étais en train de valider le Diplôme universitaire de soins infirmiers en situation de médecine de catastrophe, avec le CHU de Nice et le CESU 06. Elle m’a alors proposé de partir avec elle, mais aussi le Dr Stéphane Romano, chirurgien orthopédique à l’Hôpital Américain de Paris, et le Dr Paul Ihout, médecin au département Recherche clinique dans le même établissement, et qui parle ukrainien. J’ai accepté tout de suite.
Combien de temps êtes-vous restée sur place ?
A.P.P : Je suis restée une semaine à Lviv, à 100 km à l’intérieur du pays. Pour des raisons de sécurité, je ne peux pas donner de lieux exacts.
Combien d’infirmiers avez-vous pu former ?
A.P.P. : Nous avons travaillé dans plusieurs hôpitaux mais aussi dans des écoles d’infirmiers où nous avons formé les professeurs et les étudiants. Au total, 257 infirmiers ont été formés à la médecine de catastrophe et plus précisément, au damage control et à la méthode de prise en charge MARSH, issue de l’armée.
Le damage control?
A.P.P. : Il s’agit d’une doctrine de soin consistant à prodiguer les soins minimums pour assurer la survie du patient sans chercher à s'occuper totalement de ses problèmes. Les cours, qui comportaient beaucoup de pratique, étaient donnés en anglais et traduit simultanément en ukrainien.
Le Dr Romano a opéré une dizaine de patients pendant ce temps, proposant des techniques innovantes aux blessures complexes de guerre.
Quelle est la situation sur place ?
A.P.P. : La ville de Lviv est en seconde ligne du front. Quand j’y étais, il n’y avait donc pas de combat. Cependant, nous avons eu quasiment tous les jours des alertes de bombardements aériens demandant de nous mettre en sécurité dans les abris qui sont généralement des caves. Des sacs de sable sont placés sur les fenêtres des abris et des lieux sensibles. Les statues, les œuvres d’art et les vitraux sont tous emballés pour être protégés en cas de bombardements. Il y a de nombreux check point tenus par les militaires.
La peur est omniprésente…
A.P.P. : Je n’ai pas eu peur car je suis habituée aux situations de guerre, de conflit grâce à mon expérience dans l’humanitaire. Cependant, les alertes de bombardements créent une impression forte. Les Ukrainiens nous ont beaucoup rassurés. Ils sont d’une grande résilience et d’un courage sans faille. Je leur témoigne mon plus grand respect.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant votre séjour en Ukraine ?
A.P.P. : J’ai vu de jeunes soldats d’à peine 20 ans, de beaux jeunes hommes touchés de plein fouet par l’horreur de la guerre : amputés, parfois des 2 membres inférieurs, ou touchés au visage. Ils ont l’âge de rêver et de construire leur vie, pas d’aller se battre et de se faire massacrer. C’est une grande tristesse.
Juste après avoir passé la frontière vers la Pologne, Alexander, notre coordonnateur terrain ukrainien m’a écrit : « In dark times, bright people are clearly visible ». Touchant.
Il faut en effet un courage remarquable pour accepter de partir en zone de guerre…
J’ai été beaucoup soutenue. Je souhaite d’ailleurs remercier ELSAN qui a financé mon départ (billets d’avions, hébergement) et Lisa Chauvin, la directrice du centre d’hémodialyse, qui a arrangé mon planning et m’a permis d’obtenir une disponibilité d’une semaine pour le départ. Et je remercie aussi mon mari qui m’a encouragée et qui s’est occupé seul de nos 3 enfants, avec beaucoup de rassurance.
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