Technologies de pointe et reste à charge zéro pour les greffes de cornées réalisées à l’Institut de Somain
Les greffes de cornée ont connu des évolutions techniques importantes au cours des dernières décennies, offrant aux patients une prise en charge toujours plus efficace et confortable. Parallèlement, les indications ont elles aussi beaucoup changé. Avec le docteur Jean-Philippe Théron, de l’Institut ophtalmique de Somain, établissement ELSAN, nous revenons sur les particularités de cette greffe de tissu, très différente des transplantations d’organes, en nous intéressant aux spécificités de l’Institut de Somain, qui est le plus ancien centre chirurgical privé de France, toujours très bien classé par le récent Palmarès du Point concernant notamment la chirurgie de la cornée et la cataracte.
JIM.fr : Pouvez-vous nous présenter rapidement les différentes activités chirurgicales ophtalmologiques de votre institut ?
Dr Jean-Philippe Théron - L’Institut ophtalmique de Somain a été créé en 1873. C’est le plus ancien centre chirurgical privé en France et un pôle de référence national et en particulier des Hauts-de-France pour la chirurgie ophtalmique. Il possède aujourd’hui quatre pôles de consultations : Somain, Douai, Cambrai et Valenciennes. Il a été créé dès l’origine pour être uniquement un centre d’ophtalmologie ce qui est assez spécifique et très moderne pour l’époque. Nous avons réalisé en son sein 17 000 interventions en 2019, qui se répartissent en chirurgie du segment antérieur (tout ce qui est en avant du cristallin, le cristallin et la cornée) et chirurgie du segment postérieur (la rétine). S’ajoutent à ces interventions, les chirurgies de la paupière, qu’elles soient thérapeutiques ou esthétiques.
JIM.fr : Quel est votre volume d’activités pour chaque type de chirurgie
Dr Jean-Philippe Théron - Nous avons réalisé 7 000 opérations de la cataracte en 2019 (sur 700 000 par an dans toute la France) et 7000 injections (à titre de comparaison le CHU de Poitiers réalisait en 2015 1 300 injections intra-vitréenne par an, ndlr). En effet, comme on le sait, un des plus importants progrès récent en ophtalmologie est le développement depuis 2006 des injections intravitréennes de médicaments (surtout les anti-VEGF indiqués dans le traitement de la Dégénérescence maculaire liée à l’âge). Nous réalisons par ailleurs autour de 500 interventions de la rétine et plus de 500 chirurgies des paupières. Enfin, nous pratiquons entre 100 et 150 greffes de cornée par an, sur les 250 réalisées dans la région.
Nous sommes en effet un pilier pour les soins ophtalmologiques dans la région.
Le kératocône, maladie dégénérative de l’oeil (qui altère la sphéricité de l’oeil) est désormais une indication marginale de la greffe de cornée
JIM.fr : Quelles sont les indications que vous prenez le plus souvent en charge pour une greffe de cornée?
Dr Jean-Philippe Théron - Ces indications ont connu une évolution importante ces dernières années. Avant, le kératocône était une indication majeure des greffes de cornée et représentait environ un tiers des greffes, voire pour certains centres la moitié. Nous avons vu décliner cette indication et aujourd’hui le kératocône ne représente que 5 % des indications de greffe. Parallèlement, se sont développées des greffes qui consistent en des changements ou des réparations de l’endothélium cornéen. Il s’agit du traitement de pathologies primitives congénitales ou familiales (cornea guttatta) ou de dégénérescences liées à des pathologies oculaires ou à une chirurgie. Elles représentent maintenant 85 % des indications dans ma pratique. Les autres indications concernent les cicatrices de la cornée, traumatiques ou infectieuses. Cette évolution est notamment le fait de l’amélioration de la prise en charge du kératocône qui permet d’éviter l’évolution dramatique de la pathologie. Les progrès concernent tant le dépistage que la prévention ou la prise en charge. Le développement des anneaux intra-cornéens permet notamment de modifier la forme de la cornée et de corriger des cas qui n’étaient pas corrigeables avant et donc d’éviter les indications de greffe.
JIM.fr : Quel est le parcours type et spécifique à votre institut des patients qui nécessitent une greffe ?
Dr Jean-Philippe Théron - L’essentiel pour moi et mon équipe est d’assurer une prise en charge sans délai des pathologies. Ainsi, l’ensemble des équipes est sensibilisé à l’importance de réduire les délais de consultation. La célérité de la prise en charge chirurgicale est également importante. Il convient d’éviter d’attendre deux ans avant de greffer comme cela se faisait auparavant parce que cela conduit à une aggravation de l’état de la cornée et à une moins bonne récupération. Les patients pris en charge à l’Institut de Somain peuvent espérer être greffés dans les deux mois. Les problèmes de délai ne sont pas liés aux greffons mais plus à la disponibilité des équipes. Il y a eu beaucoup de progrès dans la communication pour le don d’organes et de tissus (dans notre cas il s’agit d’un tissu). Ainsi, ne souffre-t-on plus de pénurie de greffons. Par ailleurs, depuis une quinzaine d’années se sont développés les prélèvements post-mortem et désormais la plupart des cornées ont été prélevées dans des morgues.
Cela a rendu beaucoup plus accessibles les prélèvements et les cornées, grâce au travail extraordinaire des banques de tissus, qui sont réparties un peu partout en France.
Pas de problème de compatibilité et possibilité d’attendre trois semaines entre le prélèvement et la transplantation : des différences majeures avec les autres greffes d’organe
Le parcours type d’une greffe commence d’abord par l’ophtalmologiste qui pose l’indication de la greffe. Il inscrit ensuite le patient sur le GLAC (Gestion de la liste d’attente de greffe de cornée) qui est un registre national. Cette procédure permet d’obtenir un numéro d’agrément et ainsi, en donnant l’indication, de commander un greffon à la banque de tissus à laquelle le praticien est affilié. Pour notre part, nous travaillons avec la banque de tissus de Lille qui livre 250 greffons par an.
Rappel
La cornée est un tissu non vascularisé et transparent. La cornée est majoritairement constituée de fibres collagènes entrelacées, qui constituent les 90% de l’épaisseur cornéenne: ce tissu collagène constitue le stroma cornéen. La surface intérieure de la cornée est formée par l’endhothélium. L’endothélium est une couche de cellules conjonctives, les cellules endothéliales qui ne se renouvellent pas.
Il y a un délai de trois semaines entre le moment où le greffon est prélevé (soit à la morgue, soit lors des prélèvements multi-organes) et le moment où il est greffé. En effet, le tissu vit parfaitement bien dans un milieu de conservation, ce qui permet aux équipes de pouvoir récupérer tous les bilans infectieux du donneur. C’est également un temps qui permet à la banque de tissus de s’assurer de la qualité du greffon et de l’absence de complications infectieuses, grâce à des prélèvements, bactériologiques et mycologiques. Cette vérification peut même concerner des germes lents qui ont en effet largement le temps de pousser. Est également observé le nombre de cellules endothéliales afin d’exclure les greffons qui ne seraient pas de bonne qualité. Ce délai de trois semaines est très pratique. Il y a quelques années au contraire pour éviter les contaminations, certains, notamment aux Etats-Unis avaient fait le choix de les congeler. L’école européenne est différente et préfère vérifier la pousse des germes. Ainsi ne transplante-t-on que les greffons dont on est sûr qu’ils ne représentent aucun risque contaminant. Par ailleurs, afin d’éviter les risques infectieux, je réalise pour ma part au moment de la greffe, des prélèvements du milieu de conservation et je conserve un fragment de la collerette de la cornée que je ne greffe pas pour réaliser des examens bactériologiques et mycologiques supplémentaires.
Dans la plupart des cas, la greffe de cornée n’est pas une urgence, sauf perforation ou menace de perforation. Notre autre chance est qu’il n’existe pas de problèmes de compatibilité. Ainsi, les patients sont opérés dans l’ordre programmé et n’ont pas besoin comme pour les autres organes d’attendre 24h/24 un donneur compatible. Enfin, désormais, l’hospitalisation n’excède généralement pas une journée et demi d’hospitalisation, il est même possible de réaliser la transplantation en ambulatoire.
JIM.fr : Avez-vous mis en place un protocole particulier de surveillance en post opératoire ?
Dr Jean-Philippe Théron - Tous les patients de l’Institut bénéficient d’un numéro d’urgence spécifique dédié aux personnes opérées, afin qu’elles ne soient pas gênées par un encombrement éventuel des lignes téléphoniques globales. Par ailleurs, tous les patients greffés sont sensibilisés aux signes de rejet, que sont l’oeil rouge, l’oeil douloureux ou une baisse de vision. Cela leur est bien répété. La plupart des greffes peuvent être rattrapées si elles sont prises en charge rapidement. Tous les patients sont rappelés systématiquement, pour savoir s’ils vont bien (mais ce n’est pas spécifique à la greffe de cornée). Le rejet est rarement immédiat, un délai est nécessaire avant que le processus immunitaire se développe. Les complications précoces relèvent plutôt de complications infectieuses ou alors de positionnement du greffon. Le taux de rejet est estimé à 15 % à cinq ans. Le phénomène est moins fréquent sur les greffes endothéliales. S’agissant d’un tissu avasculaire, l’organisme a moins tendance à identifier le caractère exogène du greffon, aussi les rejets sont bien moins fréquents que pour les greffes d’organes.
Récemment, avec la crise sanitaire du printemps, certains patients soucieux de ne pas nous déranger, ont parfois hésité à venir et plusieurs personnes ont consulté après le premier déconfinement avec un rejet, bien que nous ayons assuré un suivi téléphonique rapproché. Nous avons également perdu un certain nombre de cornées, qui bien que prélevées n’ont pas pu être greffées, en raison de la suspension de la plupart des transplantations de cornée au moment du premier confinement.
JIM.fr : Quel a été l’impact global de la première vague de la crise épidémique sur votre activité ?
Dr Jean-Philippe Théron - Globalement en France, l’ophtalmologie a été beaucoup touchée, parce que nous réalisons de nombreuses chirurgies non urgentes et cela est vrai pour cette spécialité au sein d’ELSAN, (groupe leader de l’hospitalisation privée, ndrl). Au sein de l’Institut qui n’a pas fermé, nous avons assuré une continuité des soins pour les urgences en prenant le relais d’un certain nombre de centres de la région qui avaient fermé leurs services d’ophtalmologie en raison de l’épidémie. Néanmoins, l’activité froide a été complètement arrêtée (opérations de la cataracte notamment), mais les injections ont été poursuivies. En effet, concernant ces pathologies rétiniennes un délai de prise en charge n’était pas envisageable.
JIM.fr : Quels sont les différents types de kératoplastie (greffe de cornée) que vous réalisez ?
Dr Jean-Philippe Théron - Jusqu’à la fin des années 90, la greffe n’était que transfixiante :ce terme signifie que toute la cornée (le stroma cornéen et l’endothélium cornéen) était entièrement remplacée. Depuis le début des années 2000 se sont développées ce qu’on appelle les greffes lamellaires : seule la partie malade est changée. Face à des problèmes endothéliaux (comme par exemple dans la maladie appelée la cornea guttata qui se caractérise par une perte importante de cellules endothéliales), l’idée est d’enlever l’endothélium receveur malade et de ne greffer que l’endothélium sain : il s’agit de la greffe lamellaire postérieure. Il existe également des pathologies, type kératocône où cicatrice, où l’endothélium est de bonne qualité. Dans ces situations, la greffe ne concernera, au contraire, que la partie dite antérieure : c’est la greffe lamellaire profonde antérieure, où seul le stroma cornéen sera changé. L’intérêt majeur est que si on peut conserver l’endothélium du receveur, l’oeil est beaucoup moins agressé et on peut espérer que le greffon dure beaucoup plus longtemps. En effet, l’endothélium est un peu le facteur limitant, puisqu’il ne se renouvelle pas, ne cicatrise pas. Laisser l’endothélium du receveur permet d’espérer que le greffon pourra durer toute une vie, alors que classiquement, en cas de greffe complète, il ne dure qu’autour d’une vingtaine d’années. Aussi, une autre greffe peut être nécessaire, même en l’absence de rejet.
Des équipements indispensables pour une qualité optimal
Notre spécificité est que nous avons développé une grande expertise en greffe lamellaire postérieure. Notre autre spécificité est que nous disposons d’un OCT (Optical Coherence Tomography), qui nous permet pendant l’acte opératoire de s’assurer de la qualité de notre greffe. (L’OCT est une technique d'imagerie médicale qui utilise une onde lumineuse pour capturer des images tridimensionnelles, avec une résolution de l'ordre du micromètre, ndrl). Ainsi, à tout instant, nous pouvons obtenir une coupe de la cornée et nous assurer quand le greffon est positionné dans l’oeil qu’il est bien positionné, qu’il n’y a pas de complication. Avant, la vérification se faisait par le microscope, mais on ne pouvait parfaitement s’assurer de la bonne position. Avec l’OCT, nous bénéficions d’une sorte de contrôle qualité. Cela permet également de réaliser des greffes lamellaires chez des patients qui n’auraient pas pu en bénéficier en raison d’une mauvaise visibilité. Grâce à l’OCT, il est en effet possible d’opérer derrière une cornée opaque.
JIM.fr : Que pensez-vous des essais de greffe de cornée complète sans suture ?
Dr Jean-Philippe Théron - Grâce à l’arrivée d’un nouveau type de laser, des essais ont pu être réalisés de greffe de cornée complète (kératoplastie transfixiante) sans suture. De fait, on obtient une meilleure imbrication de la cornée du receveur et du donneur. Néanmoins, les essais sont encore à l’état de recherches. Et il apparaît que l’on peut difficilement se passer complètement de sutures. Il existe en effet quand même un risque de lâchage des adhérences. Plus certainement, cela permet en complètement d’une greffe transfixiante d’obtenir une meilleure congruence, voire de meilleurs résultats en termes optiques et réfractifs, un meilleur résultat visuel.
Éviter tout reste à charge pour les patients
Pour l’heure, ces techniques ne sont pas encore remboursées par la sécurité sociale. Or, la technique manuelle permet d’obtenir de très bons résultats et n’entraîne aucun surcoût pour les patients. Aussi, même dans un grand centre comme le nôtre qui dispose des équipements pour mettre en oeuvre ce type de techniques, nous préférons assurer une prise en charge de très grande qualité et sans aucun reste à charge. C’est pour nous en effet, un point d’honneur au sein de l’Institut de ne jamais appliquer de dépassement d’honoraires, qui plus est pour les greffes de cornée, y compris pour les chirurgiens qui comme moi sont en secteur 2.
JIM.fr : Participez-vous à des essais ?
Dr Jean-Philippe Théron - Nous avons tous une activité de recherche spécifique. Chaque praticien participe aux essais qui l’intéressent. Notre centre est régulièrement sollicité, compte tenu de son importance. Actuellement, les principales études réalisées sont plutôt des études rétiniennes, afin d’évaluer l’efficacité de certaines injections médicamenteuses dans la DMLA et dans le diabète. Ce sont les domaines de recherche importants en ce moment en France et nous y participons évidemment.
JIM.fr : Une cornée artificielle est-elle envisageable à moyen terme ?
Dr Jean-Philippe Théron - Il existe deux types de cornée artificielle. D’abord les kératoprothèses qui sont des prothèses plastiques transparentes, qui existent depuis longtemps. Elles sont réservées aux rares cas où une greffe est impossible en raison de problèmes de rejet, de problèmes immunitaires constatés lors de différents échecs. Les résultats visuels sont médiocres, aussi rares sont les situations où l’on a recours à ces kératoprothèses.
Parallèlement, un axe de recherche très intéressant concerne aujourd’hui le développement de cornée artificielle biologique : cela nous permettra de nous affranchir du donneur. Or, même si aujourd’hui nous ne connaissons pas de problèmes de pénurie, on sait que les familles ne sont pas toujours enclines à donner les cornées, c’est un don symboliquement plus complexe. Les difficultés qui sont liées au développement de cornées biologiques résident dans le fait que l’on greffe le stroma cornéen et l’endothélium, des tissus différents. Il faut donc trouver Paramètres des cookies un protocole qui permette de développer les deux tissus. Si on ne développe que de l’endothélium, on pourrait imaginer de faire des greffes lamellaires postérieures. Cependant, l’obstacle est que l’endothélium cornéen ne se multiplie pas naturellement. Les essais en cours en la matière commencent à fonctionner, avec une stimulation efficace de l’endothélium du patient. Aussi, à partir de cellules souches on peut envisager de l’orienter, c’est un gros espoir. Concernant le stroma, un tissu vivant et transparent présente des propriétés très spécifiques d’agencement des fibres, pour que la lumière puisse passer au travers. Même s’il y a des recherches, elles sont encore limitées, ce qui rappelle l’importance des dons d’organes et de tissus.
La chirurgie ophtalmologique chez ELSAN : Près d’un patient sur 4 qui vient dans le privé pour une chirurgie des yeux, vient se faire opérer chez ELSAN, soit plus de 110 000 patients par an. C’est un peu plus d’un patient sur 6 au total en France. L’Institut Ophtalmique de Somain est le 2 établissement ELSAN en France qui traite le plus de patients après Santé Atlantique à Nantes.
La greffe de cornée Les établissements ELSAN réalisent 5% des greffes de cornée en France.
Copyright © http://www.jim.fr, Aurélie Haroche, Décembre 2020
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