Olivier Donnez, gynécologue obstétricien : « J’ai des
collègues qui pensent que cette maladie est juste à la mode et qu’elle
n’existe pas, c’est un désastre ! »
Originaire de Belgique, le docteur Olivier Donnez a plusieurs fois été confronté à la pathologie qu’est l’endométriose. Depuis qu’il exerce à la clinique Urbain V, le gynécologue obstétricien a d’ailleurs développé une technique opératoire au laser. Rencontre.
Comment en êtes-vous arrivé à vous spécialiser dans cette pathologie ?
«En Belgique, il y a énormément de femmes souffrant d’endométriose. Nous sommes champions en termes de pollution à la dioxine, soit l’un des potentiels facteurs de développement de la maladie. Dans le centre où j’ai été formé, on opérait beaucoup d’endométrioses. Donc, j’ai été confronté à cette pathologie qui m’a donné une idée de ce que pouvait être le parcours des femmes qui en sont atteintes. Des femmes en détresse, surtout par rapport au retard du diagnostic. Là-bas, on a développé une technique opératoire, une manière de prise en charge. J’ai continué à ,faire des recherches sur la maladie ,et fait une thèse à ce sujet. C’est une pathologie qui m’intéresse beaucoup tant dans la manière de la traiter que dans le vécu, très difficile, des patientes. »
Vous évoquez un retard de diagnostic, comment l’expliquer aujourd’hui ?
«Les premières descriptions de la maladie datent de la fin du siècle dernier. Le vrai problème ,c’est que la symptomatologie qu’elle déclenche sont des facteurs souvent mis de côté par les gynécologues. Notamment, pour ce qui est des douleurs pendant les règles. On dit aux patientes que c’est normal d’avoir mal pendant les règles ou pendant un rapport sexuel. C’est un discours que l’on entend bien trop souvent. Je pense que c’est pour cela que la maladie est mal diagnostiquée. Parce que les femmes ne sont pas écoutées. Parce qu’elles ne sont pas toujours bien examinées, voire pas du tout. Certaines lésions endométriales n’étant pas visibles à l’examen clinique. Je pense aussi que les facultés de médecines manquent d’informations à ce sujet. J’ai même des collègues gynécologues qui pensent que cette maladie est juste à la mode et qu’elle n’existe pas, c’est un désastre !»
Une femme serait-elle donc condamnée à souffrir ?
«Pas si la maladie est diagnostiquée précocement. La plupart des cas se traitent avec d’excellents résultats. Le problème ,reste, encore une fois, celui du ,diagnostic. Et celui de proposer la bonne thérapie à la bonne ,patiente. Le traitement dépend de son âge, du type d’endométriose, de l’intensité des symptômes et de ses projets (si elle veut avoir un enfant ou non). Malheureusement, la plupart des patientes que je reçois ont entre 25 et 35 ans et sont diagnostiquées trop tardivement. Heureusement, depuis une vingtaine d’années, grâce à des associations comme EndoFrance, entre autres, la maladie commence à être reconnue et les femmes se reconnaissent aussi dans les symptômes. »
Quel impact quant au retard de diagnostic ?
«Il peut y avoir des conséquences sur la qualité de vie. Ça peut la détériorer. Cela impacte aussi sur la fertilité. Une maladie trop agressive peut nuire à la fertilité, surtout lorsqu’elle s’attaque aux ovaires de façon répétée. Il peut y avoir aussi des conséquences irréversibles sur toute la sphère neurologique pelvienne.»
Quelles sont les causes potentielles de l’endométriose ?
«Probablement les polluants extérieurs comme en Belgique à Singapour ou Hong Kong où il y a des cas plutôt sévères. Mais attention, il y a des patientes qui vivent dans des régions polluées qui ne développeront pas d’endométriose. Et, à l’inverse, des patientes vivant dans des zones moins polluées en auront. Ce que l’on sait, c’est qu’aucune femme ne naît avec cette maladie, malgré les études qui tendent à dire le contraire.
On a toutefois des idées de déclencheurs comme les perturbateurs endocriniens, les polluants… Mais, je ne peux imaginer qu’une femme que j’opère soit née avec ça. Outre la transmission génétique, il y a certainement des éléments extérieurs déclenchant. On ne peut pas, cependant, expliquer pourquoi Madame A présente telles lésions tandis que Madame B en présente d’autres. On peut expliquer à quelqu’un qui a chuté pourquoi il s’est cassé la jambe. Mais, on ne peut pas dire pourquoi une femme fait de l’endométriose.»
Quelles solutions alors pour les femmes atteintes ?
«La première avancée serait d’être convaincu que la maladie existe et d’écouter les femmes quand elles disent qu’elles ont mal. La deuxième, serait la concertation pluridisciplinaire entre les professionnels pour améliorer la prise en charge. Parfois, pendant une opération, il faut, par exemple, un urologue pour rebrancher l’uretère à la vessie. Il faut pouvoir garder ,la fonction de l’organe. On a donc besoin que d’autres compétences chirurgicales interviennent.
Aujourd’hui, aucun médicament ne permet de faire partir la maladie sans effets secondaires à long terme. Il existe, par contre, des médicaments pour calmer les symptômes, au prix d’autres effets secondaires qui peuvent impacter sur la qualité de vie. La plupart des traitements n’empêchent pas la maladie d’évoluer et ne sont pas compatibles avec une grossesse. La seule alternative que nous pouvons leur proposer, c’est l’opération.»
Pour ce qui est du domaine chirurgical, vous avez d’ailleurs développé votre technique. Quelle est-elle et quels en sont les résultats ?
«J’utilise le laser pour détruire sélectivement les lésions ou enlever l’endométriose en découpant de façon précise. L’avantage c’est la rapidité. Il y a aussi moins d’hémorragie, de douleurs postopératoires.
Après, chaque centre utilise sa propre technique. Certains utilisent l’énergie plasmatique, des instruments conventionnels comme les ciseaux, l’énergie de fusion ou encore l’énergie monopolaire. Ce n’est pas l’instrument utilisé qui est important, c’est celui qui l’utilise et la connaissance qu’il en a.
Ces techniques sont réalisées par coelioscopie, donc par de petites incisions réalisées sous anesthésie générale. Pour ma part, le taux de complication (fistules rectovaginal, dérivation de l’intestin, problème de vidange de vessie) est extrêmement faible. Il est en deçà de ,0,06 %. Et le taux de récidive ,est globalement de 7,8 %. Il ,peut monter jusqu’à environ 10 %, si les patientes ne tombent ,pas enceintes après la chirurgie, et peu descendre à 5 % si elles le sont. Attention, je ne dis pas qu’il faudrait faire des bébés pour ne pas développer d’endométriose.»
© Le Dauphiné libéré – 11 Décembre 2018
Originaire de Belgique, le docteur Olivier Donnez a plusieurs fois été confronté à la pathologie qu’est l’endométriose. Depuis qu’il exerce à la clinique Urbain V, le gynécologue obstétricien a d’ailleurs développé une technique opératoire au laser. Rencontre.
Comment en êtes-vous arrivé à vous spécialiser dans cette pathologie ?
«En Belgique, il y a énormément de femmes souffrant d’endométriose. Nous sommes champions en termes de pollution à la dioxine, soit l’un des potentiels facteurs de développement de la maladie. Dans le centre où j’ai été formé, on opérait beaucoup d’endométrioses. Donc, j’ai été confronté à cette pathologie qui m’a donné une idée de ce que pouvait être le parcours des femmes qui en sont atteintes. Des femmes en détresse, surtout par rapport au retard du diagnostic. Là-bas, on a développé une technique opératoire, une manière de prise en charge. J’ai continué à ,faire des recherches sur la maladie ,et fait une thèse à ce sujet. C’est une pathologie qui m’intéresse beaucoup tant dans la manière de la traiter que dans le vécu, très difficile, des patientes. »
Vous évoquez un retard de diagnostic, comment l’expliquer aujourd’hui ?
«Les premières descriptions de la maladie datent de la fin du siècle dernier. Le vrai problème ,c’est que la symptomatologie qu’elle déclenche sont des facteurs souvent mis de côté par les gynécologues. Notamment, pour ce qui est des douleurs pendant les règles. On dit aux patientes que c’est normal d’avoir mal pendant les règles ou pendant un rapport sexuel. C’est un discours que l’on entend bien trop souvent. Je pense que c’est pour cela que la maladie est mal diagnostiquée. Parce que les femmes ne sont pas écoutées. Parce qu’elles ne sont pas toujours bien examinées, voire pas du tout. Certaines lésions endométriales n’étant pas visibles à l’examen clinique. Je pense aussi que les facultés de médecines manquent d’informations à ce sujet. J’ai même des collègues gynécologues qui pensent que cette maladie est juste à la mode et qu’elle n’existe pas, c’est un désastre !»
Une femme serait-elle donc condamnée à souffrir ?
«Pas si la maladie est diagnostiquée précocement. La plupart des cas se traitent avec d’excellents résultats. Le problème ,reste, encore une fois, celui du ,diagnostic. Et celui de proposer la bonne thérapie à la bonne ,patiente. Le traitement dépend de son âge, du type d’endométriose, de l’intensité des symptômes et de ses projets (si elle veut avoir un enfant ou non). Malheureusement, la plupart des patientes que je reçois ont entre 25 et 35 ans et sont diagnostiquées trop tardivement. Heureusement, depuis une vingtaine d’années, grâce à des associations comme EndoFrance, entre autres, la maladie commence à être reconnue et les femmes se reconnaissent aussi dans les symptômes. »
Quel impact quant au retard de diagnostic ?
«Il peut y avoir des conséquences sur la qualité de vie. Ça peut la détériorer. Cela impacte aussi sur la fertilité. Une maladie trop agressive peut nuire à la fertilité, surtout lorsqu’elle s’attaque aux ovaires de façon répétée. Il peut y avoir aussi des conséquences irréversibles sur toute la sphère neurologique pelvienne.»
Quelles sont les causes potentielles de l’endométriose ?
«Probablement les polluants extérieurs comme en Belgique à Singapour ou Hong Kong où il y a des cas plutôt sévères. Mais attention, il y a des patientes qui vivent dans des régions polluées qui ne développeront pas d’endométriose. Et, à l’inverse, des patientes vivant dans des zones moins polluées en auront. Ce que l’on sait, c’est qu’aucune femme ne naît avec cette maladie, malgré les études qui tendent à dire le contraire.
On a toutefois des idées de déclencheurs comme les perturbateurs endocriniens, les polluants… Mais, je ne peux imaginer qu’une femme que j’opère soit née avec ça. Outre la transmission génétique, il y a certainement des éléments extérieurs déclenchant. On ne peut pas, cependant, expliquer pourquoi Madame A présente telles lésions tandis que Madame B en présente d’autres. On peut expliquer à quelqu’un qui a chuté pourquoi il s’est cassé la jambe. Mais, on ne peut pas dire pourquoi une femme fait de l’endométriose.»
Quelles solutions alors pour les femmes atteintes ?
«La première avancée serait d’être convaincu que la maladie existe et d’écouter les femmes quand elles disent qu’elles ont mal. La deuxième, serait la concertation pluridisciplinaire entre les professionnels pour améliorer la prise en charge. Parfois, pendant une opération, il faut, par exemple, un urologue pour rebrancher l’uretère à la vessie. Il faut pouvoir garder ,la fonction de l’organe. On a donc besoin que d’autres compétences chirurgicales interviennent.
Aujourd’hui, aucun médicament ne permet de faire partir la maladie sans effets secondaires à long terme. Il existe, par contre, des médicaments pour calmer les symptômes, au prix d’autres effets secondaires qui peuvent impacter sur la qualité de vie. La plupart des traitements n’empêchent pas la maladie d’évoluer et ne sont pas compatibles avec une grossesse. La seule alternative que nous pouvons leur proposer, c’est l’opération.»
Pour ce qui est du domaine chirurgical, vous avez d’ailleurs développé votre technique. Quelle est-elle et quels en sont les résultats ?
«J’utilise le laser pour détruire sélectivement les lésions ou enlever l’endométriose en découpant de façon précise. L’avantage c’est la rapidité. Il y a aussi moins d’hémorragie, de douleurs postopératoires.
Après, chaque centre utilise sa propre technique. Certains utilisent l’énergie plasmatique, des instruments conventionnels comme les ciseaux, l’énergie de fusion ou encore l’énergie monopolaire. Ce n’est pas l’instrument utilisé qui est important, c’est celui qui l’utilise et la connaissance qu’il en a.
Ces techniques sont réalisées par coelioscopie, donc par de petites incisions réalisées sous anesthésie générale. Pour ma part, le taux de complication (fistules rectovaginal, dérivation de l’intestin, problème de vidange de vessie) est extrêmement faible. Il est en deçà de ,0,06 %. Et le taux de récidive ,est globalement de 7,8 %. Il ,peut monter jusqu’à environ 10 %, si les patientes ne tombent ,pas enceintes après la chirurgie, et peu descendre à 5 % si elles le sont. Attention, je ne dis pas qu’il faudrait faire des bébés pour ne pas développer d’endométriose.»
© Le Dauphiné libéré – 11 Décembre 2018
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